J’ai nouvelle de Thomas Mann, dont reste tire votre film, est en part autobiographique et raconte l’histoire d’un ecrivain allemand celebre et vieillissant qui, lors d’un sejour a Venise, rencontre Tadzio, un adolescent qui le fascine par sa beaute. Thomas Mann evoque : « L’histoire reste essentiellement une histoire de mort, mort consideree comme une force de seduction, une affaire via le desir d’une mort. » Tadzio, ce petit garcon a la beaute divine, a donc existe, ainsi, le romancier le decrit ainsi : « Un adolescent aux cheveux longs qui pouvait avoir 14 annees. Cela est d’une si parfaite beaute. (…) Notre paleur, la grace severe de son visage encadre de boucles blondes comme le miel, son nez droit, sa bouche aimable, une gravite expressive et quasi divine. (…) C’etait le repos dans la perfection. »
En 1970, en preparation de le film, Visconti est a la recherche de l’acteur qui incarnera votre ideal.
Le documentaire diffuse concernant Arte : L’ange blond de Visconti. Bjorn Andresen, de l’ephebe a l’acteur, nous le montre qui, apres avoir auditionne des acteurs en Hongrie, en Pologne, en Finlande et en Russie, decouvre a Stockholm celui qui interpretera Tadzio : Bjorn Andresen. Il a 15 ans, il n’a pas joue, sa grand-mere, qui l’eleve, reve pour lui de celebrite. Il ne comprend que le suedois, que Visconti ne cause nullement. Notre realisateur le trouve trop grand. Mais tres beau. Par l’intermediaire d’une interprete il lui demande d’effectuer le tour une piece, de tourner la tete, de marcher encore, le petit garcon est d’une soumission douce et lumineuse. Puis Visconti lui demande d’enlever le pull-over. Le garcon a un temps d’arret. Cela exige : « Quoi ? » – « que tu sois torse nu. » Il se detourne, a un petit rire d’offuscation : « Torse nu ? » Il se trouve en calecon. Et tandis qu’il obeit i nouveau, roule, leve la tete, sourit a J’ai camera, Visconti lui dit de s’arreter et demande au photographe de s’approcher de lui, pour des gros plans, sous la totalite des angles. Lui, ne sourit plus. Il semble limite nu devant ces etrangers qui parlent de lui et ne lui traduisent que nos ordres. Il les regarde par en dessous dorenavant, il a perdu un peu de sa franchise, il va i?tre severe, incredule, magnifique. Il ne le sait toujours pas, mais sa vie va basculer irremediablement, il va devenir « le plus beau garcon du monde », mais l’univers, lui, va perdre de sa beaute, de le innocence, et de sa purete.
A la conference de presse donnee en 1971 au Festival de Cannes ou est projete le film, face a une horde de journalistes presque exclusivement masculins, Visconti cause de sa decouverte de Bjorn Andresen : « Cela etait plus beau que ca, hein, il a vieilli maintenant, il va i?tre un peu trop grand, il a la tignasse trop longs, enfin il etait beaucoup plus beau a votre moment-la. » Notre salle eclate de rire.
Bjorn qui ne comprend nullement un seul mot, sait qu’on parle de lui, et le visage se ferme, il parait perdu. Visconti enfonce le clou : « Cela ne le sait gui?re mais c’est occupe i changer, peut-etre ca va i?tre un bel homme, concernant le moment (il a un mouvement de perplexite, nos rires redoublent), bon… C’est l’age ingrat… Cela a maintenant 15 annees, euh non, 16, c’est fort vieux. » (Les journalistes paraissent au comble de la joie, leurs rires oscillent entre le salace et le bonheur complice.)
Devenu un vieil https://datingmentor.org/fr/pure-review/ homme a la barbe et aux longs cheveux blancs, au visage creuse, au regard lointain profondement triste, ainsi, commentant ce Festival de Cannes, Bjorn Andresen dira : « J’etais plutot terrifie. J’avais l’impression d’etre constamment survole avec une nuee de chauves-souris. Je vivais un cauchemar eveille. » Adulte, sa fille aura ces mots de compassion, de respect et d’amour, les premiers : « Di?s Que je regarde les images du casting de Mort a Venise, ca me fait en gali?re. C’etait votre enfant tres sensible, reservee, qui ne voulait meme gui?re etre la. Et subitement on lui demande de poser torse nu. Je sais que la nudite lui pose probleme. Il ne voulait pas se deshabiller. Ca fait en gali?re de voir ca. La je voudrais remonter dans le temps et demander a sa grand-mere votre qu’elle fabriquait. Je lui dirais “arrete ! Laisse ce gamin rassure ! Il ne faudrait gui?re faire subir ca a votre enfant”. »
Mort a Venise reste bien une histoire de desir et de mort. Une histoire comme tant d’enfants et d’adolescents en subissent, sous des projecteurs et des applaudissements ravis des adultes.